Survivre au cancer – et après?
Les défis de la prise en charge des survivants du cancer
Grâce aux progrès de l’oncologie moderne, de plus en plus de personnes survivent à leur cancer. Étant donné que ces survivants du cancer sont souvent confrontés aux séquelles tardives du cancer lui-même ou de son traitement, ils ont besoin d’un encadrement spécial à long terme.
Alors que le nombre de cas de cancers et la mortalité par cancer en Suisse continuent d’augmenter globalement par rapport à d’autres causes de décès en raison du vieillissement de la population la mortalité des différents cancers diminue; en d’autres termes, de plus en plus de personnes sont guéries de leur cancer (Fig. 1). Bien que les progrès de l’oncologie moderne profitent principalement aux jeunes, on s’attend à une augmentation du nombre de survivants du cancer, en particulier parmi la population plus âgée (Fig. 2).
Survie après un cancer dans l’enfance
Les pédiatres ont été les premiers à reconnaître la nécessité d’un encadrement spécialisé des survivants du cancer.1 Ceci tient d’une part au fait que le taux de guérison du cancer chez les enfants est encore plus élevé que chez les adolescents et les adultes, et d’autre part au fait que les cancers et leur traitement peuvent causer des dommages encore plus importants chez les enfants pendant la phase de croissance. Les survivants d’un cancer dans l’enfance sont menacés par le risque plus élevé de tumeurs secondaires ainsi que par les troubles de la croissance et les lésions des organes, effets tardifs du traitement. Très tôt, notamment aux États-Unis, cela a abouti à l’élaboration de concepts de suivi des survivants du cancer sous la forme d’un «passport for care», qui permet de créer un plan de soins de suivi individuel basé sur le diagnostic du cancer, le traitement mené à bien et les preuves disponibles.2 Les patients présentant des problèmes particulièrement graves bénéficient d’un encadrement dans une clinique dite «de survie au cancer», comme p.ex. celle récemment proposée à l’Hôpital de l’Île de Berne en collaboration avec le Cancer Center universitaire de l’Hôpital de l’Île (UCI).3
Survie après un cancer des adolescents et des jeunes adultes
La description de cas à la page suivante illustre de manière impressionnante les problèmes auxquels sont confrontés les adolescents et les jeunes adultes. Une fois que la menace immédiate pour la vie posée par le cancer a été surmontée, l’accent est mis sur les défis de la réintégration dans une vie «normale» telle qu’elle existait avant le diagnostic du cancer (Fig. 3). Cependant, les adolescents et les jeunes adultes en particulier sont menacés à moyen et à long terme par les processus de vieillissement précoce, surtout après une chimiothérapie, p.ex. par un syndrome métabolique d’apparition précoce associé à une surmortalité consécutive due à des complications cardiovasculaires, un infarctus du myocarde et un accident vasculaire cérébral (Fig. 4).4 En revanche, la chimiothérapie et la radiothérapie entraînent toutes deux une surmortalité due à des tumeurs secondaires.
Survie après un cancer à un âge avancé
Si la survie à long terme constitue la première priorité chez les enfants, les adolescents et les jeunes adultes, dans le cas des personnes âgées, il s’agit de préserver ou de retrouver leur autonomie après un traitement anticancéreux réussi. Souvent, le diagnostic ou le traitement d’un cancer aggrave les limitations fonctionnelles préexistantes et menace l’indépendance des personnes concernées.
Partenaire et proches assurant un encadrement
En règle générale, le cancer ne touche pas seulement les personnes malades elles-mêmes, mais également leurs parents, leur conjoint ou partenaire, d’autres membres de leur famille et leurs proches.5 Ces personnes prennent généralement en charge une partie considérable de l’encadrement des personnes atteintes de cancer et sont donc exposées à des sollicitations très similaires à celles des patients cancéreux eux-mêmes, avec le risque de problèmes physiques, psychologiques, sociaux et financiers. L’encadrement des survivants du cancer doit donc toujours inclure l’environnement immédiat ou les «soignants».
Concepts de prise en charge des survivants du cancer
Tout d’abord, les recommandations générales pour un mode de vie sain figurent au premier plan dans les conseils aux survivants du cancer: un mode de vie actif incluant une activité sportive régulière, une alimentation saine, un contrôle du poids, un sevrage strict de la nicotine et éventuellement une consommation d’alcool modérée. De surcroît, les risques particuliers de tumeurs secondaires, tels que le risque accru de cancer du sein après irradiation de jeunes femmes atteintes de la maladie de Hodgkin, devraient être pris en compte en adaptant spécifiquement les recommandations relatives à la détection précoce du cancer.5, 6
La prise en charge des survivants du cancer en Suisse est généralement non systématique, fragmentée et peu de recherches ont été menées sur les avantages des différents instruments et interventions.7 Le noyau commun à tous les concepts est cependant la fourniture d’informations aux patients sur le diagnostic, les traitements effectués et les risques qui en résultent après la fin du traitement, sous la forme d’un plan de suivi écrit (plan de «soins de survie»/«survivorship care»). De quoi faciliter la communication entre les personnes impliquées, éviter la perte d’informations lors d’un changement d’établissement de soins de suivi et faciliter le cas échéant l’intervention préventive des personnes concernées et des responsables des soins de suivi (Tab. 1).
On ne sait pas clairement qui est responsable de la prise en charge du nombre croissant de survivants du cancer. À long terme, il ne s’agira que dans des cas exceptionnels d’un service ambulatoire spécialisé en oncologie. Étant donné que de nombreux problèmes, tels que les limitations des fonctions organiques ou le syndrome métabolique, relèvent de la médecine générale, un encadrement par un médecin de premier recours va de soi. Cependant, il faut une coopération étroite avec les services oncologiques ambulatoires spéciaux et des recommandations claires pour un suivi adapté à chaque individu. En outre, la création de cliniques spécialisées dans la «survie au cancer» est utile pour la prise en charge interdisciplinaire des patients ayant des problèmes particulièrement complexes.
Bilan
La prise en charge des survivants du cancer en Suisse est actuellement encore insuffisante, non structurée et rarement fondée sur des preuves. Il faut donc poser l’hypothèse d’une situation notoire d’insuffisance ou d’excès de soins et de soins de mauvaise qualité. On ne sait pas clairement qui est responsable du suivi une vie durant du nombre croissant de survivants du cancer. Les services ambulatoires spéciaux pour l’affectation au suivi interdisciplinaire des patients présentant des complications tardives et des problèmes particulièrement complexes font largement défaut. L’élaboration d’un plan de soins de suivi écrit (plan de «soins de survie»), qui est remis aux personnes concernées à la fin d’un traitement curatif, serait une première mesure simple et rentable, mais elle n’est actuellement que rarement utilisée.◼
Auteur:
Prof. Dr méd. Jörg Beyer
Medizinische Universitätsklinik für Onkologie
Inselspital, Universitätsklinik der Universität Bern
Freiburgstrasse
3010 Bern
E-mail: joerg.beyer@insel.ch
◾2015
Entgeltliche Einschaltung
Mit freundlicher Unterstützung durch
XXXXXXX
Fachkurzinformation siehe Seite XXXX | FREIGABENUMMERXXXX
J. Beyer, Berne© XXXXX
Tab. 1: Elemente eines «cancer survivorship»-PlansTab. 1:Éléments d’un plan de «survie au cancer»Sein
Prostate
Côlon/rectum
Poumon
Utérus
Mélanome (peau)
Vessie
Col de l’utérus
Rein
Ovaire
Taux standardisé sur l’âge (TSA) pour 100000
Incidence
Mortalité
Fig. 1:Relation entre l’incidence et la mortalité pour les cancers les plus courants en Suisse (estimation de l’incidence/mortalité standardisée par âge 2018, Suisse, deux sexes, tous groupes d’âge; source: CIRC, GLOBOCAN 2018)Millions
1975,
3,6 mio.
2016,
15,5 mio.
2040,
26,1 mio.
85+ ans
75–84 ans
65–74 ans
50–64 ans
<50 ans
1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040
Fig. 2:Augmentation attendue du nombre de survivants du cancer aux États-Unis par groupes d’âge (adapté d’après Bluethmann et al.)8Bien-être physique et fonctionnalité
• Fatigue rapide
• Faiblesse musculaire
• Polyneuropathie, perte auditive
• Douleurs
• Diminution de fonction des organes (cœur, rein)
• Troubles du sommeil
• Hypogonadisme, infertilité
Bien-être psychique
• Perte d’attractivité
• Dépression
• Troubles anxieux
• Tristesse
• Crainte des récidives
• Troubles de la concentration
• Trouble de la mémoire
Spiritualité
• Incertitude quant à la vie
• Désespoir
• Incertitude quant à soi-même
• Questions de sens
• Religiosité
Intégration sociale et sexualité
•Problèmes de couple
• Diminution de la libido, impuissance
• Perte d’emploi
• Retraite anticipée
• Pertes financières
• Repli social
• Isolation
Fig. 3:Domaines de la vie et restrictions potentiels chez les survivants du cancerProbabilité
100%
0%
Syndrome métabolique
Hypertension
Trouble du métabolisme des graisses
Obésité
Insulinorésistance
Survie
Coronaropathie
Facteurs
environnementaux
Facteurs génétiques
Début du traitement
Temps (années)
Fig. 4:Apparition précoce d’un syndrome métabolique chez les survivants du cancer (adapté d’après De Haas et al.)4