Dépistage et traitement du cancer du pancréas

Les kystes du pancréas, un défi pour le diagnostic différentiel

Le terme de tumeurs kystiques du pancréas regroupe un ensemble hétérogène d’altérations du pancréas. Elles sont chacune associées à des comportements biologiques variables avec un risque différent de transformation maligne. La distinction du type de kyste ainsi que le risque de transformation correspondant sont des défis et nécessitent des analyses approfondies. Pour ce faire, outre les données cliniques, on dispose de procédés d’imagerie et du diagnostic endoscopique pour le prélèvement de tissus. Dans le cas des kystes pancréatiques présentant des indices de transformation, seule la résection chirurgicale permet de traiter de manière curative un kyste précancéreux. De nouvelles techniques chirurgicales, assistées par robot et préservant simultanément les organes, sont notamment envisagées.

Les tumeurs kystiques du pancréas (TKP) forment un groupe hétérogène d’altérations qui sont de plus en plus souvent diagnostiquées grâce à l’imagerie à haute résolution. L’imagerie moderne en coupe permet de détecter de telles altérations du pancréas dans 8% des examens environ, souvent de façon fortuite.1 Cela s’explique par le fait que les examens d’imagerie sont plus fréquents et que la résolution des appareils modernes est plus élevée. Les quatre entités les plus fréquentes sont les tumeurs intracanalaires papillaires et mucineuses du pancréas (TIPMP) avec atteinte du canal principal ou des canaux secondaires, les tumeurs kystiques mucineuses (TKM), les tumeurs kystiques séreuses (TKS) et les tumeurs pseudopapillaires et solides (TPPS). La distinction entre les différentes altérations kystiques est un défi, mais elle est très importante du point de vue pronostique, car les TIPMP et les TKM peuvent être des lésions précancéreuses du cancer du pancréas, contrairement aux autres lésions kystiques du pancréas. Pour compliquer les choses, la prédiction du potentiel de transformation maligne de telles tumeurs est actuellement encore relativement imprécise.

Si une TKP se transforme en carcinome invasif, son pronostic est équivalent à celui du carcinome pancréatique. Si une résection est encore possible, le taux de survie à 5 ans est inférieur à 40%.2

Diagnostic grâce à une collaboration multidisciplinaire

Outre l’âge, le sexe et le site du kyste, c’est surtout l’anamnèse spécifique au pancréas qui fournit les premières indications pour le diagnostic (Tab.1). Dans ce cas, il est important de demander si des antécédents familiaux de cancer du pancréas sont connus et si des pancréatites, des insuffisances endocrines et exocrines et des ictères sont survenus dans le passé. Pour les TIPMP, le marqueur tumoral CA19-9 doit être contrôlé de manière systématique, la sensibilité étant faible et la spécificité, élevée (52% vs 88%).3

L’imagerie est généralement disponible en tant que premier diagnostic, car la TKP est souvent découverte de manière fortuite (Fig.1). Bien que l’imagerie constitue le principal moyen de diagnostic, elle ne permet qu’une répartition approximative des différents types de kystes. L’imagerie par résonance magnétique est supérieure à la tomodensitométrie pour la prédiction de la malignité dans les tumeurs kystiques, avec une précision de 51% vs 44%.4

L’endosonographie constitue un autre pilier de l’imagerie diagnostique, mais elle n’est utilisée que lorsque l’imagerie précédente n’est pas concluante et qu’un prélèvement de tissu est nécessaire. De plus, il est possible de réaliser une ponction à l’aiguille fine (FNP) ou un examen du liquide du kyste. Le prélèvement de tissu permet de faire la distinction entre les tumeurs mucineuses (TIPMP et TKM) et les tumeurs non mucineuses. De plus, des cellules dysplasiques ou malignes ainsi que l’amylase pancréatique ou des marqueurs tumoraux (CEA: antigène carcinoembryonnaire) peuvent éventuellement être détectés dans le liquide du kyste. Des analyses génétiques plus poussées, comme les mutations KRAS et GNAS du liquide kystique, peuvent être indicatives d’une transformation maligne dans le cas de TIPMP. C’est dans ce domaine que les plus grands progrès diagnostiques sont attendus à l’avenir. Ainsi, de nouveaux biomarqueurs pourraient aider de manière très fiable à améliorer la différenciation des différents degrés de dysplasie dans les TIPMP. Dans une étude récente menée à Heidelberg, l’analyse des protéines et des microARN a permis d’atteindre une précision de la différenciation des TIPMP allant jusqu’à 95%.5

Traitement – de la chirurgie mini-invasive à la surveillance individuelle

La prise en charge subséquente dépend de l’évaluation du risque de transformation maligne. L’European Study Group on Cystic Tumours of the Pancreas a publié en 2018 des recommandations à ce sujet (Fig.2).6,7

Tumeurs intracanalaires papillaires et mucineuses du pancréas (TIPMP)

Dans le cas des TIPMP, on distingue les lésions kystiques avec atteinte du canal principal ou des canaux secondaires, ou la combinaison des deux («mixed type»). Les TIPMP des canaux secondaires ont une présentation hétérogène. Le taux de transformations malignes dépend de différentes caractéristiques. Les facteurs de risque potentiels doivent être soigneusement évalués, car même les petites TIPMP peuvent contenir ou développer des dysplasies de haut grade ou un cancer. Les critères absolus («high-risk stigmata») pour la résection d’une TIPMP sont l’ictère, la cytologie positive pour la dysplasie de haut grade ou la présence de cellules malignes, la dilatation du canal principal ≥10mm, les nodules de la paroi ≥5mm ou la présence d’une masse solide dans le pancréas. Les critères relatifs («worrisome features») pour la résection des TIPMP sont un diamètre de kyste ≥30mm, un taux de croissance ≥5mm/an, des symptômes cliniques comme une pancréatite aiguë ou un diabète sucré récent, un taux de CA19-9 élevé, une dilatation du canal principal ≥5mm ou des modifications nodulaires de la paroi du kyste <5mm.6 Les patients présentant une TIPMP sans indication chirurgicale doivent être suivis par IRM et contrôle des marqueurs tumoraux tous les 1 à 6 mois au cours de la première année et tous les ans par la suite si le suivi est normal. Pour les patients ayant une indication chirurgicale relative, un suivi à 6 mois est recommandé. Il est important de procéder à une réévaluation immédiate en cas de modification des symptômes cliniques ou d’apparition de tels symptômes, ainsi qu’en cas d’augmentation du CA19-9. Dans l’ensemble, le suivi par imagerie n’a toutefois de sens que si un traitement chirurgical est envisageable. Chez les patients en mauvais état général, pour lesquels une résection du pancréas n’est pas envisageable, aucun suivi n’est indiqué.

Une TIPMP du canal principal présente un risque élevé de malignité (carcinomes et dysplasie de haut grade jusqu’à 70%) et doit être réséquée si le patient est apte à subir une intervention chirurgicale. Les TIPMP de type «mixte», avec des parties de TIPMP du canal principale et des canaux secondaires, sont associées à un risque de malignité aussi élevé que les TIPMP du canal principal, et la résection est donc également recommandée (Fig.2).

Des études récentes montrent que l’observation de certains TIPMP peut également être stoppée. En l’absence d’indication chirurgicale absolue et relative et si la taille du kyste est stable à <15mm chez les patients de plus de 65 ans ou si la taille du kyste est stable à <20mm chez les patients de plus de 75 ans, la surveillance peut être interrompue à condition qu’aucune modification morphologique du kyste n’ait eu lieu pendant 5 ans. Le risque de transformation maligne est alors conforme à celui de la population normale.8,9

Tumeurs kystiques mucineuses (TKM)

Le risque de transformation maligne des TKM dépend de la taille de la lésion, un diamètre <4cm étant rarement associé à une transformation maligne, tandis que jusqu’à 34% des lésions de plus grande taille deviennent des carcinomes. Une résection est donc indiquée lorsque la lésion kystique est ≥40mm, que le patient est symptomatique ou qu’il existe des facteurs de risque comme des nodules sur la paroi. En l’absence des facteurs de risque susmentionnés, l’imagerie de suivi peut être envisagée tous les 6 mois la première année, puis tous les ans. Il convient de noter que le taux de croissance de la TKM devrait être pris en compte dans le processus de décision.

Tumeurs kystiques séreuses (TKS)

Les TKS constituent une entité bénigne, la mortalité spécifique à la maladie est quasiment nulle. Les patients asymptomatiques doivent être suivis pendant un an, après quoi un suivi basé sur les symptômes est recommandé. Malgré la lenteur de la croissance, il apparait dans de rares cas des symptômes dus à la compression d’organes voisins. Dans ce cas, une résection pour décompression peut être effectuée.

Tumeurs pseudopapillaires et solides (TPPS)

Les TPPS, l’entité la plus rare, concernent surtout les jeunes femmes et doivent être réséqués, car elles représentent une entité de faible malignité. En cas de résection, il faut toutefois obtenir une résection R0, car les quelques cas métastatiques connus sont tous associés à une résection R1.10

Intervention chirurgicale

En ce qui concerne la technique chirurgicale, la résection mini-invasive assistée par robot ainsi que l’énucléation, en tant qu’alternative de préservation des organes, représentent aujourd’hui les options thérapeutiques de prédilection en l’absence de carcinome. L’accès mini-invasif de la chirurgie robotique permet de réduire considérablement le traumatisme d’accès et donc les douleurs, les infections de plaies et les adhérences dans l’abdomen, ce qui se traduit par une durée d’hospitalisation plus courte pour le patient.11,12 Grâce aux degrés de liberté supplémentaires qu’offrent les instruments robotiques, qui permettent un travail plus précis, et à la haute résolution avec une vue tridimensionnelle, il est possible de réaliser de nouvelles opérations du pancréas ménageant le patient. Dans certains cas, le kyste peut être retiré de manière ciblée lors de l’énucléation, ce qui permet de conserver le pancréas dans son intégralité. Si l’énucléation n’est pas possible, on a recours à des résections formelles comme la résection de la queue du pancréas ou la pancréatoduodénectomie. Ces résections plus radicales sont notamment indiquées en cas de suspicion de malignité pour une lymphadénectomie adéquate.

Le suivi postopératoire est tout aussi important que l’intervention chirurgicale, tant que le patient est suffisamment en forme et prêt à subir une nouvelle intervention si elle est indiquée. En effet, une néoplasie kystique est l’expression d’une transformation carcinogène du pancréas.13 Il existe donc toujours un risque plus élevé (environ 10 à 20%) d’apparition d’une autre tumeur maligne si une pancréatectomie totale n’a pas été effectuée.◼

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Tab. 1: Vue d’ensemble des tumeurs kystiques du pancréas les plus fréquentes avec leurs caractéristiques typiques

Element not implemented: <article-left-content-boxes>Element not implemented: <quotes>Element not implemented: <author>C. Kümmerli, BaselP.C. Müller, Basel

© derek li wan po

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Fig. 1: Résultats de l’examen d’IRM des tumeurs kystiques du pancréas les plus fréquentes. A) tumeur intracanalaire papillomuqueuse du pancréas (TIPMP) du canal principal; B) TIPMP des canaux secondaires; C) tumeur kystique mucineuse (TKM); D) tumeur kystique séreuse (TKS); E) tumeur pseudopapillaire et solide (TPPS)

Lésion kystique du pancréas

DD: TKM, TKS, TPPS

Suspicion de TIPMP

Indication chirurgicale absolue*

Indication chirurgicale relative**

Aucune indication chirurgiale

TIPMP du canal principal

TIPMP de type mixte

TIPMP des canaux secondaires*

Une ou plusieurs indications chirurgicales relatives sans comorbidités significatives

Deux indications chirurgicales relatives ou plus avec des comorbidités significativesUne indication chirurgicale relative avec des comorbidités significatives1re année- contrôle clinique- CA19-9 sérique- IRM et/ou EUSAprès la 1re année- contrôle clinique- CA19-9 sérique- IRM et/ou EUStous les 6 moisannuellement

Intervention chirurgicale

Surveillance intensive- contrôle clinique- CA19-9 sérique- IRM et/ou EUStous les 6 mois

Suivi à vie après une pancréatectomie partielle

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Fig. 2: Vue d’ensemble de la prise en charge des tumeurs kystiques du pancréas (adapté de The European Study Group on Cystic Tumours of the Pancreas 2016)6

Fig. 3: Avec un diagnostic précoce, les lésions précancéreuses peuvent être traitées de manière curative par une ablation chirurgicale, avec d’excellents résultats à long terme

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