Intelligence artificielle et technologies avancées en cardiologie

La recherche entourant l’intelligence artificielle (IA) en médecine a explosé ces dernières années. La médecine cardiovasculaire, en particulier, est sur le point de bénéficier grandement des applications cliniques assistées par l’IA. Cet élan place la cardiologie en avant-garde de l’innovation numérique, en incorporant des technologies telles que l’IA, des modèles linguistiques avancés comme ChatGPT, et en explorant de nouvelles possibilités dans le domaine de la réalité virtuelle. La fusion de ces technologies révolutionne le diagnostic, le traitement, et les soins prodigués aux patients, tout en présentant des défis pour une intégration future dans la pratique clinique.

Au cours des dernières années, la recherche à l’intersection de l’intelligence artificielle (IA) et de la médecine a connu une croissance exponentielle.1 La médecine cardiovasculaire (CV), en particulier, est susceptible de bénéficier considérablement des possibilités immenses offertes par les applications cliniques assistées par l’IA. Alors que les cliniciens s’appuient de plus en plus sur de vastes ensembles de données pour guider leurs décisions, ces outils peuvent permettre une plus grande précision et efficacité, contribuant ainsi à améliorer les soins aux patients. L’application d’outils de diagnostic à distance dans les «déserts médicaux» offre une perspective prometteuse, catalysée par la pandémie de la Covid-19.2 Il devient essentiel pour les médecins de comprendre les concepts fondamentaux de l’IA pour évaluer la littérature et la technologie associée.

Dans ce paysage médical en constante évolution, la cardiologie se distingue en tant que pionnière dans l’exploitation du potentiel de l’innovation numérique, comprenant l’IA, les modèles linguistiques avancés tels que ChatGPT, et les nouvelles frontières de la réalité virtuelle et augmentée dans la cardiologie. La convergence de ces technologies de pointe avec le domaine de la cardiologie a conduit à des avancées sans précédent transformant le diagnostic, le traitement et les soins aux patients. Alors que nous adoptons ces avancées technologiques, il devient crucial de surmonter les défis qu’elles présentent tout en ouvrant la voie à leur intégration future dans la pratique clinique (Fig.1).

Intelligence artificielle

L’IA consiste à utiliser des programmes informatiques pour effectuer des tâches intelligentes, telles que la reconnaissance de motifs, en imitant les processus de pensée humaine.3 Ce domaine transdisciplinaire intègre des disciplines telles que la statistique, l’informatique, la neuroscience, la psychologie, la conception matérielle informatique et l’ingénierie mécanique. L’objectif est de créer des algorithmes qui simulent l’intuition humaine, la reconnaissance d’objets et la prise de décision.

Dans la cardiologie moderne, l’IA révolutionne la détection précoce des maladies CV en analysant de manière approfondie les données des patients, y compris les antécédents médicaux, les prédispositions génétiques et les modes de vie. Cela permet de prédire le risque de maladie cardiaque en analysant les habitudes de vie, les choix alimentaires et les schémas d’exercice, facilitant ainsi les mesures préventives et la création de plans de traitement personnalisés. Cette approche de médecine personnalisée permettrait de sortir du paradigme «one-size-fits-all» qui conduit souvent à de la surmédicalisation ou de la sous-médicalisation.4 La communauté scientifique en cardiologie a également manifesté un intérêt considérable pour ce domaine, comme en témoigne l’analyse de la base de données PubMed et de la liste des publications des vingt dernières années incluant les termes «cardiology» et «artificial intelligence». La tendance dévoile une augmentation impressionnante du nombre de publications annuelles intégrant ces termes spécifiques (Fig.2).

L’IA a également transformé l’imagerie médicale en permettant une analyse rapide et précise des images cardiaques. Les algorithmes détectent rapidement des conditions telles que les arythmies, les anomalies structurelles et les maladies ischémiques, facilitant un diagnostic plus rapide et précis.5

Les applications cliniques de l’IA en santé incluent les diagnostics, l’imagerie médicale, les systèmes de soutien à la décision clinique, la découverte de médicaments et l’évaluation du risque clinique. Par exemple, dans la découverte de médicaments, l’IA simule les propriétés des médicaments et prédit leur activité, particulièrement pour les maladies rares.6

L’IA est également prometteuse dans l’évaluation du risque clinique en formant des modèles sur des données de dossier médical électronique (DME). De plus, les dispositifs portables, tels que les montres intelligentes, bénéficient des avancées de l’IA, permettant une surveillance cardiovasculaire ambulatoire plus précise.7 L’intégration de l’IA dans les dispositifs de soins de santé portables améliore les résultats cliniques grâce à des prédictions précises et rapides.

Grands modèles linguistiques en tant que partenaires dans la prise de décision clinique

L’intégration de grands modèles linguistiques, à l’instar de ChatGPT, a profondément transformé les pratiques en matière de consultations médicales et de diffusion des connaissances.8 Ces modèles, rigoureusement formés sur d’amples bases de données médicales, constituent une ressource inestimable en fournissant aux professionnels de la santé des informations instantanées et pertinentes, améliorant ainsi la précision des diagnostics et des décisions thérapeutiques. Grâce aux compétences avancées de traitement du langage naturel de ChatGPT, ces modèles comblent efficacement le fossé entre la connaissance médicale et son application pratique. Prenons l’exemple d’un cardiologue en quête d’informations sur les derniers essais cliniques ou les directives de traitement. L’engagement interactif avec ChatGPT optimise le processus décisionnel en fournissant des informations constamment actualisées. Actuellement, la dernière mise à jour du plan d’abonnement (ChatGPT-4) inclut des données actualisées jusqu’à avril 2023. Cependant, il convient de souligner que ce modèle est en évolution continue, avec la perspective potentielle d’offrir des informations en temps réel à l’avenir.

De plus, ces modèles linguistiques novateurs ont la capacité de démocratiser la connaissance médicale, offrant aux patients un accès direct à des informations précises et favorisant la prise de décisions éclairées concernant leur santé CV. Les patients participant activement à un dialogue avec un modèle linguistique bénéficient d’explications approfondies sur leur diagnostic, explorent différentes options de traitement, et comprennent les modifications de mode de vie nécessaires. Cette implication active des patients les positionne en tant que participants engagés dans leur parcours de soins de santé.

Ces grands modèles linguistiques ont déjà démontré leurs compétences en réussissant avec brio des examens médicaux rigoureux. Un exemple notable est celui d’un modèle similaire à ChatGPT ayant récemment réussi l’examen européen de cardiologie de base (EECC) de la Société européenne de cardiologie (ESC), considéré comme l’examen final dans de nombreux pays européens pour l’achèvement de la formation postuniversitaire en cardiologie générale.9

Réalité virtuelle et métaverse

Bien que la réalité virtuelle (RV) et le métaverse soient technologiquement distincts de l’IA, l’application combinée de ces deux modalités peut être utilisée dans le domaine de la cardiologie. À mesure que les frontières entre les mondes physique et numérique s’estompent, le concept de métaverse gagne en importance.10

Le métaverse est un espace virtuel collectif résultant de la fusion de la réalité physique et virtuelle, de la réalité augmentée et des technologies immersives. Dans le domaine de la cardiologie, la RV influence significativement l’éducation médicale, la formation et les soins aux patients au sein de ce métaverse.11

La RV a transformé l’éducation médicale en permettant aux étudiants de s’immerger dans des chirurgies cardiaques virtuelles sans risques réels. En utilisant un casque de RV, les étudiants peuvent pratiquer des procédures complexes, collaborer avec des équipes chirurgicales virtuelles et tirer des enseignements de leurs erreurs dans un environnement contrôlé. Cette approche immersive accélère l’apprentissage et favorise une compréhension approfondie des procédures cardiaques complexes.12

La RV a un potentiel étendu pour la réadaptation des patients cardiaques. Les simulations de RV permettent aux patients de participer à des exercices guidés, de suivre leurs progrès et de comprendre pleinement leur parcours de santé CV. Par exemple, les patients peuvent explorer des paysages apaisants tout en effectuant des exercices thérapeutiques, rendant le processus de réadaptation à la fois efficace et agréable.13

De plus, le métaverse est déjà utilisé pour des consultations virtuelles, telles que le concept de CardioVerse. Les espaces de RV dédiés aux consultations médicales offrent une opportunité unique aux patients et aux médecins de se connecter et de collaborer de manière transparente, transcendant les frontières géographiques. Le métaverse est également utilisé pour traiter les problèmes de santé mentale chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque, offrant des environnements de RV pour interagir, partager des expériences et participer à des groupes de soutien, favorisant ainsi un sentiment de communauté et de bien-être émotionnel.14

Défis et réflexions sur l’intégration des technologies avancées en médecine

Malgré les avantages de ces avancées technologiques, des défis persistent. La confidentialité des données reste cruciale à l’ère de la numérisation croissante des informations des patients.2 Les implications éthiques de l’IA nécessitent une réflexion approfondie,3 tout comme l’équilibre entre l’expertise humaine et les perspectives des machines pour assurer la confiance et la sécurité des patients. Les outils utilisant l’IA devraient être soumis à une évaluation systématique des technologies et des procédures médicales (ETS, en anglais «Health Techology Assessement», HTA). Cette évaluation permet d’exposer en toute transparence l’efficacité, l’adéquation et le caractère économique d’une prestation médicale (critères EAE), comme le souhaite la Confédération suisse en se fondant sur l’art.32 de la loi fédérale sur l’assurance-maladie.15

L’accessibilité pose également un défi, notamment pour le métaverse, actuellement en phase bêta limitée. De plus, l’opacité des modèles d’IA, tels que les réseaux neuronaux profonds, complique la compréhension de leurs décisions, impactant la confiance et la responsabilité.

Bien que la technologie promette d’améliorer l’accessibilité aux soins de santé, une évolution significative est nécessaire pour une utilité pleine et équitable en médecine.14 Les disparités dans l’adoption de la technologie et l’accès à Internet pourraient accentuer les inégalités en matière de soins de santé. En tant que société, il est impératif de combler cette lacune et de garantir que les avancées technologiques bénéficient à tous.

Enfin, sur un plan plus philosophique, l’un des principaux risques associés à l’IA est sa capacité à organiser la science médicale selon ses propres critères. En effet, l’IA tend à uniformiser, à atténuer les différences et à placer les êtres humains dans un cadre normatif. Or, ce qui définit l’humanité réside également dans la diversité, la singularité et la différence, des aspects qui méritent d’être valorisés.

Conclusion

Sans entrer dans un utopisme inapproprié, l’intelligence artificielle a néanmoins le potentiel de transformer la pratique quotidienne de la médecine, et les cardiologues sont particulièrement bien placés pour bénéficier de l’IA dans le diagnostic et le traitement. Bien que les applications aient déjà montré des avantages significatifs, des obstacles subsistent, tels que l’explicabilité, les biais, les métriques de performance appropriées et la nécessité d’aboutir à des résultats cliniquement pertinents. En attendant, il est impératif que les cliniciens développent une compréhension de base des outils d’IA pour évaluer correctement ces outils et éviter que l’IA atrophie leur intelligence. Ils pourront ainsi participer activement au développement et à la mise en œuvre pour garantir des applications cliniquement significatives et éthiquement soutenables.◼

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Fig. 2: Nombre de publications par an au cours des 20 dernières années incluant les termes «intelligence artificielle» et «cardiologie»

Fig. 1: Cardiologie dans le monde de l’intelligence artificielle et de la réalité virtuelle

Element not implemented: <article-left-content-boxes>Element not implemented: <quotes>Element not implemented: <author>I. Skalidis, LausanneO. Kherad, Meyrin

© Hôpital de la Tour

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