Options de traitement actuelles dans le cancer du sein triple négatif
En Suisse, environ 6500patientes reçoivent chaque année un diagnostic de cancer du sein. Le diagnostic englobe également le cancer du sein triple négatif. Ce sous-type reste associé à un pronostic plus sombre que les autres sous-types, comme le cancer du sein de type luminal ou le cancer du sein HER2-positif. Grâce à l’«oncologie de précision», le pronostic de nombreuses maladies tumorales s’est nettement amélioré au cours des dix dernières années, y compris le cancer du sein.
Dans le cas du cancer du sein triple négatif (CSTN), on a maintenant identifié différentes molécules clés qui peuvent déjà être ciblées dans la routine clinique. Il s’agit notamment de Mutations PD-L1/PD-1, TROP-2, HER2-low et BRCA. De nombreuses autres cibles font l’objet de recherches, actuellement surtout dans le domaine des conjugués anticorps-médicament (CAM). Le présent article vous présente les principales nouveautés et normes en matière de CSTN métastatique, ainsi que les perspectives d’avenir.
Sous-types moléculaires et conséquences cliniques
Depuis quelques années déjà, d’autres sous-groupes moléculaires de CSTN sont connus. Lehmann et al. ont ainsi défini quatre sous-types avec des profils d’expression différents dans les différents gènes: 1 BL-1 (Basal-like 1), BL-2 (Basal-like 2), ML (mesenchymaler Subtyp) et LAR (Luminal-Androgene-Receptor). Le tableau1 indique les principales altérations et voies de signalisation. Les différents sous-groupes sont déjà pris en compte dans la pratique clinique quotidienne, par exemple avec l’utilisation des inhibiteurs de points de contrôle immunitaire.
Formes de traitement systémique du CSTN métastatique
Le CSTN est un sous-groupe hétérogène de cancers du sein. Dans l’ensemble, le pronostic en cas de métastases reste sombre. Le sous-type de CSTN est souvent associé à des métastases viscérales et cérébrales, avec un pronostic nettement plus mauvais à 12mois. Toutefois, en raison de nouvelles cibles, comme PD-1/PD-L1, BRCA,TROP-2 et HER2, de nouveaux concepts thérapeutiques ont vu le jour et améliorent le pronostic. Le tableau2 présente les «traitements standards» actuels du CSTN métastatique.
Les inhibiteurs de la PARP (poly[ADP-ribose]-polymérase) ont été approuvés en premier lieu pour le cancer séreux de l’ovaire; dans un deuxième temps, les inhibiteurs de la PARP ont également été étudiés chez les patientes présentant des mutations germinales des gènes BRCA1 ou BRCA2. L’étude de phaseIII EMBRACA évaluait le talazoparib comparativement à la chimiothérapie standard chez des patientes atteintes de CSTN avec une mutation germinale de BRCA. Dans l’étude, la survie sans progression (PFS) a été presque doublée avec la prise de talazoparib par rapport à la chimiothérapie standard. L’analyse finale de la survie globale n’a pas montré l’avantage du talazoparib par rapport à la chimiothérapie, mais une meilleure qualité de vie a été constatée.
Dans une deuxième étude de phaseIII, l’inhibiteur de la PARP olaparib a été comparé à la chimiothérapie. Cette étude a également montré un avantage significatif de l’olaparib en termes de PFS par rapport à la chimiothérapie. La PFS médiane était significativement plus élevée, avec 7mois versus 4,2 mois (HR: 0,58; IC à 95%: 0,43–0,80; p<0,001).
L’étude de panier de phaseI/II MEDIOLA comprenait également des patientes atteintes d’un cancer du sein BRCA1/2 positif, y compris de CSTN. Les patientes ont reçu un traitement associant olaparib et durvalumab. Parmi les 30patientes incluses au total (groupe total, y compris cancer de l’ovaire, cancer de l’estomac, cancer du sein et CPNPC), 24 (80%; IC à 90%: 64,3–90,9) ont subi un contrôle de la maladie après 12semaines. Cette association fait actuellement l’objet d’études complémentaires.
Dans le cas du CSTN avec expression de PD-L1, le traitement par les deux inhibiteurs de points de contrôle immunitaire (IPCI) atézolizumab et pembrolizumab est devenu la norme. Les deux médicaments ont montré un bénéfice en termes d’OS en cas de positivité PD-L1 en association avec une chimiothérapie (nab-paclitaxel [atézolizumab] ou paclitaxel, nab-paclitaxel et carboplatine/gemcitabine [pembrolizumab]). Lors du choix des médicaments, il convient d’adapter à chaque fois l’anticorps anti-PD-L1 approprié (SP142, 22C3), car ceux-ci ne donnent pas des résultats concordants à 100%. D’autres études sont en cours sur l’association avec les IPCI et des conjugués anticorps-médicament ou des inhibiteurs de la PARP. L’étude de phase IB/II BEGONIA a été présentée lors du congrès de l’ESMO2023, montrant différentes associations avec l’immunothérapie. Dans l’étude présentée, le datopotamab-déruxtécan, un conjugué anticorps-médicament ciblant TROP-2, a été évalué avec le durvalumab. Le taux de réponse global était de 79% (RC: 6pat., RP: 43pat.). L’expression de PD-L1 a été étudiée avec deux anticorps différents: SP263 et 22C3, mais ceux-ci n’ont pas joué de rôle dans les résultats. La PFS médiane était de 13,8mois et la durée de réponse médiane, de 15,5mois. Les effets secondaires de grade3/4 les plus fréquents étaient la stomatite, l’augmentation de l’amylase, la perte d’appétit, la constipation, la fatigue et les vomissements. Cette association va maintenant faire l’objet d’une étude à plus grande échelle.
Le traitement par CAM est devenu la norme pour le CSTN, le premier médicament autorisé étant le sacituzumab-govitican, qui comprend un anticorps dirigé contre TROP-2, un linker et un agent chimiothérapeutique SN38. Le SN38 est le métabolite actif de l’irinotécan. Le médicament a été évalué après un prétraitement par une chimiothérapie standard et a montré un net avantage en termes de taux de réponse, de PFS et d’OS. Ce CAM fait également l’objet de nombreuses études et associations. Dans l’étudeTROPICS-02, il a également montré une efficacité supérieure à la chimiothérapie dans le cancer du sein métastatique à récepteurs hormonaux positifs.
Le médicament trastuzumab-déruxtécan a d’abord été autorisé dans le traitement du cancer du sein HER2-positif et y est devenu le nouveau standard pour le cancer du sein métastatique HER2-positif en deuxième ligne.6,7 Ensuite, d’autres études de phaseIII ont permis de montrer que les tumeurs exprimant HER2-low répondaient également mieux au traitement par trastuzumab-déruxtécan qu’à la chimiothérapie standard.8 L’étude incluait principalement des patientes atteintes de tumeurs HER2-low HR+, mais un sous-groupe d’environ 60patientes atteintes de CSTN HER2-low a également été inclus. Là encore, on a constaté un bénéfice tant en termes de PFS que d’OS par rapport à la chimiothérapie standard. La question de savoir quel sous-groupe moléculaire du CSTN en profite le plus reste un sujet de recherche. De nombreux CAM ciblant HER2 sont en cours de développement.
Discussion et remarque finale
Les approches thérapeutiques du cancer du sein triple négatif se sont nettement améliorées ces dernières années. L’optimisation du traitement dans la situation thérapeutique adjuvante et néoadjuvante est également décisive. Ici, l’immunothérapie a nettement augmenté le taux de RCp, indépendamment des biomarqueurs. En situation de traitement de la maladie métastatique, de nombreux nouveaux médicaments sont déjà en cours d’autorisation ou de développement. Cependant, il n’existe toujours pas d’approche curative et les développements futurs restent à attendre avec espoir. La figure1 illustre l’algorithme de traitement tel que nous le concevons. Le tableau3 donne un aperçu des CAM en cours de développement dans le cancer du sein.◼
© Hôpital cantonal Bâle-Campagne
J. Landin, LiestalM. Vetter, LiestalTab. 1:Sous-types moléculaires de CSTN
Tab. 2:Paysage actuel des traitements du CSTN métastatique - «Traitements standards»
Fig.1: Algorithme de traitement du CSTN métastatique
Tab. 3: Développement de nouveaux CAM
Information professionnelle abrégée de Cabometyx® à l’article sur la page 32/33
C : cabozantinib, comprimés pelliculés de 20 mg, 40 mg, 60 mg ; I : traitement en monothérapie des adultes atteints d’un carcinome rénal avancé après une thérapie ciblée des récepteurs du VEGF. En association avec le nivolumab, pour le traitement de première ligne des patients adultes atteints d’un cancer rénal avancé [non résécable ou métastatique] et présentant un profil de risque intermédiaire / défavorable. En monothérapie pour le traitement des adultes atteints d’un carcinome hépatocellulaire préalablement traités par le sorafénib. En monothérapie pour le traitement des patients adultes atteints d’un carcinome thyroïdien différencié (DTC), localement avancé ou métastatique (DTC), réfractaires ou non éligibles à l’iode radioactif (IRA) et chez lesquels la maladie a progressé pendant ou après un traitement antérieur ciblé contre le VEGF ; P : Monothérapie : 60 mg 1x/jour. Thérapie combinée : 40 mg 1x/jour, par voie orale, en association avec 240 mg de nivolumab, i.v. toutes les 2 semaines. Ajustements de la dose en fonction du grade des EI, en cas d’insuffisance hépatique et rénale, voir www.swissmedicinfo.ch ; CI : hypersensibilité au cabozantinib ou à l’un des excipients; PR : surveillance étroite des signes d’EI, surveillance stricte des patients présentant un trouble de la fonction hépatique, carcinome thyroïdien différencié, encéphalopathie hépatique, perforations et fistules, troubles GI, événements thromboemboliques, hémorragies, thrombocytopénie, anévrismes et dissection artérielle, troubles de la cicatrisation, hypertension, ostéonécrose, toxicité cutanée y c. syndrome d’érythrodysesthésie palmo-plantaire, protéinurie, syndrome de leucoencéphalopathie postérieure réversible, dysfonction thyroïdienne, allongement de l’intervalle QT, intolérance au lactose, troubles électrolytiques ; IA : inhibiteurs du CYP3A4 : ritonavir, itraconazole, kétoconazole, érythromycine, clarithromycine, jus de pamplemousse et inducteurs du CYP3A4 : phénytoïne, carbamazépine, rifampicine, phénobarbital, préparations à base de millepertuis, substrats de la glycoprotéine P : fexofénadine, aliskirène, ambrisentan, dabigatran étexilate, digoxine, colchicine, maraviroc, posaconazole, ranolazine, saxagliptine, sitagliptine, talinolol, tolvaptan, inhibiteurs de la MRP2 : cyclosporine, éfavirenz, emtricitabine ; chélateurs des sels biliaires : cholestyramine, cholestagel ; G/A : ne pas utiliser ; EI : Monothérapie : très fréquents : anémie, thrombocytopénie, hypothyroïdie, diminution de l’appétit, perte de poids, hypomagnésémie, hypoalbuminémie, hypokaliémie, dysgueusie, céphalées, vertiges, hypertension, hémorragies, dysphonie, dyspnée, toux, diarrhée, nausées, douleurs abdominales, vomissements, constipation, stomatite, dyspepsie, valeurs hépatiques élevées (ALT/AST), hyperbilirubinémie, syndrome d’érythrodysesthésie palmo-plantaire, rash, douleurs des extrémités, fatigue, asthénie, inflammation des muqueuses, oedèmes périphériques ; Thérapie combinée : très fréquents : infection des voies respiratoires supérieures, diminution du nombre de lymphocytes, de thrombocytes, de leucocytes, de l’hémoglobine et de neutrophiles, hyperglycémie, hypothyroïdie, hypoglycémie, hyperthyroïdie, hypophosphatémie, hypocalcémie, hypomagnésémie, hyponatrémie, hyperkaliémie, diminution de l’appétit, hypokaliémie, hypermagnésémie, hypernatrémie, perte de poids, hypercalcémie, dysgueusie, céphalées, vertiges, hypertension, dysphonie, dyspnée, toux, diarrhée, inflammation des muqueuses, nausées, douleurs abdominales, vomissements, constipation, dyspepsie, élévation de l’ALT, de l’AST, de la phosphatase alcaline, de la lipase, de l’amylase et de la bilirubine totale, syndrome d’érythrodysesthésie palmo-plantaire, rash, prurit, arthralgie, crampes musculaires, douleurs musculo-squelettiques, élévation de la créatinine, protéinurie, fatigue, oedèmes, pyrexie ; Prés. : flacon contenant 30 comprimés pelliculés ; CR : A ; Mise à jour de l’info : avril 2023 ; Tit. de l’aut. : IPSEN Pharma Schweiz GmbH, 6300 Zoug. Pour de plus amples renseignements, voir l’information professionnelle sous www.swissmedicinfo.ch.