Accès aux procédures hautement spécialisées telles que la transplantation pulmonaire
Contribution du réseau médical de premier recours
L’accès à la transplantation pulmonaire et ses chances de succès ne dépendent pas que de la prise en charge spécialisée des centres de transplantation. La contribution du réseau médical de premier recours est essentielle notamment pour garantir l’accès des patients à cette thérapie hautement spécialisée.
La transplantation pulmonaire est une option thérapeutique reconnue pour les patients présentant une maladie respiratoire avancée avec un risque de décès à deux ans >50%, une fois que toutes les autres options thérapeutiques ont été épuisées.1 Le but de cet article n’est pas de détailler les indications et contre-indications à la transplantation pulmonaire, mais de détailler l’apport du réseau médical de premier recours dans ce contexte.2 Si l’activité spécifique de transplantation est assurée par le centre de transplantation, le réseau médical de premier recours est appelé à donner une contribution déterminante pour anticiper et prendre en charge en amont les comorbidités et possibles barrières à la réalisation d’un tel projet.
Une approche proactive est cruciale
C’est le rôle du pneumologue de référer les patients qui présentent les critères de gravité énoncés dans les recommandations de l’International Society for Heart and Lung Transplantation vers un centre de transplantation. Le processus d’évaluation à une transplantation prend du temps et il est préférable que ce processus et la mise en liste soient achevés avant que le patient ne devienne trop avancé dans sa maladie et qu’il soit nécessaire de recourir à une transplantation en urgence, ce qui pourrait être associé à de moins bons résultats.2,3
Un patient atteint d’une maladie respiratoire chronique ne devient pas brusquement candidat à la transplantation. Sans parler des patients atteints d’une maladie dont le cours évolutif peut être fulminant, les candidats à une transplantation pulmonaire ont souvent des histoires médicales complexes avec de nombreuses comorbidités à prendre en charge, et leur histoire médicale s’étend le plus souvent sur plusieurs années. Dans ce contexte, les médecins généralistes, les pneumologues traitants et les autres acteurs du réseau de soin de premier recours ont eu l’occasion d’acquérir au cours des ans une connaissance exhaustive de leur patient. Ceci est extrêmement précieux dans la mesure où il est illusoire d’arriver à un tel degré de compréhension d’un patient lors d’une évaluation ponctuelle comme celle d’une première consultation de transplantation. La connaissance des aspects de la psychologie du patient (et éventuelle de comorbidités psychiatriques), de son mode d’adhérence aux soins, ou de son réseau social sont autant d’informations extrêmement importantes pour évaluer la faisabilité d’un projet de transplantation et pour remédier à de potentielles fragilités pour lesquelles il serait possible d’intervenir.4
Identifier à temps les facteurs de risque potentiels
Le réseau médical de premier recours peut également être en mesure d’identifier de manière anticipée, en amont de la première consultation au centre de transplantation, des facteurs de risque modifiables susceptibles d’influer sur la candidature du patient à une transplantation ou qui impacteraient négativement la survie en liste de transplantation pulmonaire dans le cas où le projet devrait aller de l’avant. Par exemple, l’existence de comorbidités comme une obésité de classe II qui nécessiterait une prise en charge spécifique pour arriver à regagner un indice de masse corporelle <30kg/m2, une fragilité nutritionnelle ou trophique, une ostéoporose sévère, un problème vasculaire optimisable ou encore une néoplasie qui nécessiterait un intervalle de surveillance après traitement curatif, sont autant de problématiques potentiellement remédiables qui pourraient représenter une barrière au moins temporaire au projet de transplantation.1 La conséquence d’une non prise en charge en amont de ces problématiques, si le problème n’était identifié que lors de la consultation au centre de transplantation, est que l’inscription en liste d’attente devrait être potentiellement repoussée en attendant de régler les problèmes identifiés. Si l’inscription en liste était nécessaire, le délai imposé pourrait contribuer à ce que l’on rate la fenêtre de transplantation. En effet, dans l’intervalle, l’état du patient pourrait se détériorer durant la phase nécessaire à remédier cette problématique, de telle sorte qu’il ne soit plus en mesure d’être transplanté.
Tous les membres du réseau de soin du patient (médecins généralistes, physiothérapeutes, nutritionnistes, psychologues) peuvent donc avoir une intervention déterminante en amont de la consultation au centre de transplantation. Le Tableau 1 résume les interventions précoces qui pourraient tendre à éviter qu’une problématique remédiable se mette en travers du chemin d’un projet de transplantation et empêche d’avancer dans le processus de candidature.
Prévention et traitement de comorbidités
La proportion de patients âgés et comorbides n’a cessé d’augmenter durant la dernière décennie en raison notamment de la diminution du nombre de patients transplantés pour mucoviscidose (avènement des modulateurs du CFTR) et l’augmentation des transplantations pour pneumopathies interstitielles et bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Ceci a rendu et rendra toujours plus important la prise en compte de comorbidités qui peuvent influencer le risque d’un projet de transplantation, dans le contexte actuel de pénurie d’organe.5,6 Les patients atteints de BPCO sont paradigmatiques de ceci puisqu’ils présentent une prévalence particulièrement élevée de comorbidités qui affectent variablement leur qualité de vie et leur survie.7 Par exemple, ces patients sont à plus haut risque de développer un cancer du poumon, ils ont une prévalence augmentée de problèmes métaboliques comme l’hypertension artérielle, l’hyperlipidémie et le diabète. Ils ont de ce fait également une plus grande propension à développer des atteintes vasculaires comme les coronaropathies et les artériopathies périphériques. Ces patients sont à plus grand risque de fragilité associé à un déconditionnement musculaire, de la dénutrition, des troubles psychologiques. La prévention et traitement de ces différentes problématiques comorbides fait partie des bonnes pratiques de prise en charge d’un patient atteint de BPCO indépendamment de l’existence d’un projet de transplantation, mais ceci est encore plus important pour préserver au mieux le capital de santé du patient et ainsi sauvegarder son accès à un éventuel projet de transplantation.
Prise en charge pendant la période d’attente en liste
Avec le centre de transplantation, les médecins pneumologues libéraux et les médecins de premier recours ont également une contribution importante à donner durant la période d’attente en liste avant transplantation, pour dépister l’émergence de nouvelles problématiques comorbides qui seraient apparues dans le long intervalle entre le bilan de prétransplantation initiale et la transplantation elle-même, ainsi que pour maintenir l’état de conditionnement général du patient. En particulier, la fragilité, mesurée par l’échelle de Fried ou le «short physical performance battery», est associée à une surmortalité en liste et après transplantation.8–10 L’inclusion dans des programmes de réadaptation respiratoire intégrant une optimisation de l’état nutritionnel, le renforcement musculaire et des séances d’entraînement cardiorespiratoire, ont montré un effet positif sur la résolution de la fragilité et une diminution des durées de séjours après transplantation (durée de séjour total et aux soins intensifs).11,12
Résumé
L’accès à la transplantation et sa réussite n’est pas que l’affaire des centres de transplantation, mais dépend de la collaboration du réseau médical de base. Chaque médecin en charge peut avoir une intervention déterminante pour en garantir le succès.◼
Tab. 1: Interventions significatives de la prise en charge d’un patient atteint d’une maladie respiratoire avancée qui pourraient aider à préserver l’accès à un projet de transplantation si ce patient devait devenir candidat
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